Il passa.
Il passa ! J’aurais dû sans doute
Ne point paraître en son chemin ;
Mais ma maison est sur la route,
Et j’avais des fleurs dans la main.
Il parla : j’aurais dû peut-être
Ne point m’enivrer de sa voix :
Mais l’aube emplissait ma fenêtre,
Il faisait avril dans les bois.
Il m’aima : j’aurais dû sans doute
N’avoir pas l’amour aussi prompt ;
Mais hélas ! quand le cœur écoute,
C’est toujours le cœur qui répond.
Il partit : je devrais peut-être
Ne plus l’attendre et le vouloir ;
Mais demain, l’avril va paraître,
Et, sans lui, le ciel sera noir.
Hélène
Vacaresco (1864-1947)
Hélène Vacaresco ou Elena Văcărescu, née le 21 septembre 1864 à Bucarest et morte le 17 février 1947 à Paris, est une femme de lettres franco-roumaine, deux fois lauréate de l'Académie française et première femme admise à l'Académie roumaine.
Polyglotte, amie de personnages royaux, elle fut intime de la reine Elisabeth de Roumanie et représenta la Roumanie à la Société des Nations en 1924.
Femme baignant ses pieds dans un ruisseau par Camille Pissarro (1830-1903)
Près d’un ruisseau.
Bercez, bercez mon âme endolorie,
Eaux murmurantes...
Mon âme chante
Sa douleur, et puis est guérie.
Mais je ne sais quelle mélancolie
Demeure en elle...
Eau qui ruisselle
Endors en chantant sa folie.
Toujours, toujours, mon âme triste et vaine,
Oubliant l'heure,
Se tait et pleure;
Il lui faut oublier sa peine,
Et qu'à jamais sa douleur soit guérie
Pour qu'elle chante...
Eau murmurante
Berce mon âme endolorie.
Edmée Delebecque (1880-1951)
(Mélodie de Ropartz, 1908)
Edmée Pauline Delebecque, née le 9 avril 1880 à Paris, morte le 31 mars 1951 à Dieulefit (Drôme), est une femme poète, peintre et graveur française.
Elle débute dans la poésie avec plusieurs recueils. Elle est remarquée très tôt par une sincérité sans concessions et une lucidité sans illusions sur la nature humaine, qui la conduiront plus tard à quitter les cénacles parisiens.
En 1925, après un divorce mouvementé et plusieurs déceptions amoureuses, elle quitte Paris pour s'installer à Dieulefit (Drôme). Elle mène alors une carrière d'artiste, réalisant de nombreux paysages, des lithographies et eaux-fortes dont beaucoup serviront à illustrer des cartes postales. Elle expose au Salon de Paris. Dans son œuvre prédominent les vues de la Drôme, de la Provence, de Marseille. À Dieulefit, on la surnomme « le corbeau ».
Pleure-moi.
Petite fleur cachée,
Penchée
Aux champs,
Reçois en ton ciboire
D'ivoire
Mes chants.
Sous l'encens de ta feuille
Qu'on cueille
Au jour,
Apprends-lui de mon âme
De flamme
L'amour
Petit oiseau farouche
Qui touche au ciel
De ton aile vermeille,
Pareille au miel;
Quand sur nous la lumière
Première
A lui
Murmure qu'en silence
Je pense à lui.
Petite étoile pâle
D'opale,
La nuit,
Si je cherche, craintive,
La rive
Sans bruit,
Dis à travers l'espace
Où passe
Ton feu,
Qu'il est le ciel que j'aime,
Et même
Mon Dieu.
Petit ange, poète
Qu'on fête
Aux cieux,
Sur qui Marie abaisse
Sans cesse
Les yeux.
Dis-lui: La trépassée,
Glacée,
Sans fleurs,
Veut sentir sur sa cendre
Descendre
Tes pleurs.
Clara Francia Mollard (1804-1843)
Clara Francia-Mollard est née à Lyon en 1804. En 1840, elle fit paraître un volume de poésies qu’elle intitula Grains de Sable. Au préalable, elle avait soumis son manuscrit à V. Hugo, qui lui écrivit en le lui retournant :
« Je vous renvoie ce doux et gracieux volume. Il y a, dans vos vers, la rêverie profonde et sérieuse de la femme, et par moment la vivacité éblouissante de la jeune fille... »
Clara Francia-Mollard mourut à Lyon le 29 juillet 1843, à trente-neuf ans, au moment où elle s’apprêtait à publier un nouveau recueil.
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Harry Willson Watrous* (1857-1940): "Le vase brisé".
Le vase brisé.
Le vase où meurt cette verveine
D'un coup d'éventail fut fêlé ;
Le coup dut effleurer à peine :
Aucun bruit ne l'a révélé.
Mais la légère meurtrissure,
Mordant le cristal chaque jour,
D'une marche invisible et sûre
En a fait lentement le tour.
Son eau fraîche a fui goutte à goutte,
Le suc des fleurs s'est épuisé ;
Personne encore ne s'en doute ;
N'y touchez pas, il est brisé.
Souvent aussi la main qu'on aime,
Effleurant le cœur, le meurtrit ;
Puis le cœur se fend de lui-même,
La fleur de son amour périt ;
Toujours intact aux yeux du monde,
Il sent croître et pleurer tout bas
Sa blessure fine et profonde ;
Il est brisé, n'y touchez pas.
René-François Sully Prudhomme (1839-1907).
René François Armand Prudhomme naquit à Paris le 16 mars 1839 dans une famille fortunée.
Son premier recueil, Stances et poèmes (1865), d'une tonalité lyrique, contient un poème très connu le Vase brisé qui rencontra un succès immédiat. L'influence de ce mouvement devint très sensible dans ses œuvres ultérieures, comme Les solitudes (1869) et plus tard Les destins (1872). Avec les Vaines tendresses (1875), il revint momentanément à la tonalité plus lyrique et mélancolique de ses débuts, mais, par la suite, il composa des œuvres amples à visée quasi scientifique.
Il consacra également un ouvrage poignant à son expérience de la guerre, dont il garda de graves séquelles, et publia en outre divers essais de poétique et d'esthétique.
Il fut lauréat du prix Nobel de littérature en 1901.
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*Harry Willson Watrous (1857-1940) était un artiste américain, originaire de San Francisco. Sa peinture couvre des œuvres figuratives, des portraits académiques et des scènes de nuit.
Vers 1905 Watrous commença à perdre la vue et il changea son sujet principal, passant des scènes de genre minuscules à des figures féminines idéalisées.
1. maxie le 15-04-2021 à 06:26:14 (site)
Magnifique blog, photo du jour amplement méritée
Bonne journée
2. ANAFLORE le 15-04-2021 à 08:41:54 (site)
Bravo pour la jolie photo du jour
Un poème imaginé et bien écrit
Rêve.
Oh ! la fleur de lys ! La noble fleur blanche, La fleur qui se penche Sur nos fronts pâlis !
Son parfum suave Plus doux que le miel Raconte le ciel, Console l'esclave.
Son luxe éclatant Dans la saison douce Pousse, pousse, pousse. Qui nous orne autant ?
La rose est coquette ; Le glaïeul sanglant Mais le lys est blanc Pour la grande fête.
Oh! le temps des rois, Des grands capitaines, Des phrases hautaines Aux étrangers froids !
Le printemps s'apprête ; Les lys vont fleurir. Oh ! ne pas mourir Avant cette fête.
Charles Cros. Charles CROS (1842-1888).
Charles Cros, né à Fabrezan (Aude) le 1er octobre 1842 et mort à Paris le 9 août 1888, est un poète et inventeur français. Passionné de littérature et de sciences, il fut de 1860 à 1863, professeur de chimie à l’Institut parisien des Sourds-Muets, avant de se consacrer à la recherche scientifique. En 1869, il présenta à la Société française de photographie un procédé de photographie en couleurs qui est à l’origine du procédé actuel de trichromie. Il étudia également des améliorations à la technologie du télégraphe : il avait présenté à l’Exposition de 1867 un prototype de télégraphe automatique. En avril 1877, il formulait le principe d’un appareil de reproduction des sons qu’il nomma paléophone. Son document, présenté à l’Académie des sciences, suggérait que les vibrations sonores pouvaient êtres gravées dans du métal à l’aide d’un crayon rattaché à une membrane vibrante, et que, par la suite, en faisant glisser un stylet rattaché à une membrane sur cette gravure on parviendrait à reproduire le son initial. Avant que Charles Cros n’eût la possibilité de suivre son idée voire de construire un prototype, Thomas Edison, aux États-Unis, mettait au point le premier phonographe. Les deux hommes ne connaissaient pas leurs travaux respectifs.
Son œuvre de poète, brillante également (une des sources d’inspiration du surréalisme) a pourtant été ignorée par son époque. Il publia ses premiers poèmes dans le « Parnasse contemporain » et fréquenta les cercles et cafés littéraires de la bohème de l’époque (« Cercle des poètes Zutistes » — qu’il avait créé —, « Vilains Bonshommes », « Hydropathes »), ainsi que le salon de Nina de Villard qui fut sa maîtresse jusqu’en 1877. Mais s’il était connu, en vérité, c’était pour ses monologues, dont le plus connu est « Le Hareng saur », qu’il récitait lui-même dans des cabarets parisiens comme « Le Chat noir ». En son honneur a été créée l’Académie Charles-Cros qui récompense chaque année les meilleurs disques.
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Aquarelle en cinq minutes.
Oh ! oh ! le temps se gâte, L’orage n’est pas loin, Voilà que l’on se hâte De rentrer les foins !…
L’abcès perce ! Vl’à l’averse ! O grabuges Des déluges !….
Oh ! ces ribambelles D’ombrelles !….
Oh ! cett’ Nature En déconfiture ! ….
Sur ma fenêtre, Un fuchsia A l’air paria Se sent renaître….
Jules Laforgue (1860-1887) (Des Fleurs de bonne volonté)
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Jules Laforgue né le 16 août 1860 à Montevideo et mort le 20 août 1887 à Paris, est un poète franco-uruguayen symboliste. Connu pour être un des inventeurs du vers libre, il mêle, en une vision pessimiste du monde, mélancolie, humour et familiarité du style parlé.
Œuvres principales : Les Complaintes L'Imitation de Notre-Dame la Lune Des Fleurs de bonne volonté
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L'autre regard.
Si tu te heurtes aux murs de chair Si tes mots sombrent avant de naître Que ton sang agrippe tes os Que ton œil perd sentier
Éveille en toi l'autre regard !
Celui qui transgresse le monde Et distance le temps singulier
Dans le goulot des jours Quand s'engouffre la pénombre Ameute l'autre regard !
Sa lueur te cherchait.
Andrée Chedid (1920-2011).
Andrée Chedid, née Andrée Saab le 20 mars 1920 au Caire et morte le 6 février 2011 à Paris, est une femme de lettres et poétesse française d’origine syro-libanaise. Elle publie son premier roman en 1952 et écrit des nouvelles, des poèmes, des pièces de théâtre, des romans, et de la littérature jeunesse.
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Pathologie.
J’enferme, quoique jeune, en mon corps tourmenté
Un mal latent et sourd, une fièvre punique,
Qui tarit lentement, comme un air volcanique,
Le réservoir profond de ma vitalité !
Cependant je parais plein de solidité ;
Mon embonpoint me donne un galbe monastique ;
J’ai le col d’un taureau, la carrure athlétique,
Toute l’hypocrisie, hélas ! de la santé.
Tant mieux. Par là j’échappe à la pitié banale.
Quand je dis que je souffre, un sourire signale
Le démenti formel dont je suis revêtu.
Ô bourgeois ! qui niez que sous le mal je rompe,
Mon masque de santé plus sûrement vous trompe
Que ne m’abusent, moi, vos masques de vertu !
Philothée O’Neddy (1811-1875)
Théophile Dondey, dit Philothée O'Neddy.
Écrivain français (Paris 1811 – id. 1875).
Ce jeune romantique, qui soutint passionnément Victor Hugo lors de la bataille d'Hernani se battit dans la rue en juillet 1830 avant d'être atteint de paralysie générale.
Tout en outrance et en exaltation, il mit son originalité agressive dans un court recueil poétique, Feu et Flamme, publié en 1833 sous le pseudonyme anagrammatique de Philothée O'Neddy*, et où la critique ne vit que fanfaronnade et affectation.
* Philothée O'Neddy: anagramme de Théophile Dondey.
Commentaires
1. ANAFLORE le 15-07-2021 à 02:04:04 (site)
Bravo pour l illustration du jour