posté le 27-03-2017 à 10:48:14

L'amour et la mort.

                                                       L'amour et la mort

Regardez-les passer, ces couples éphémères !
Dans les bras l'un de l'autre enlacés un moment,
Tous, avant de mêler à jamais leurs poussières,
Font le même serment :

Toujours ! Un mot hardi que les cieux qui vieillissent
Avec étonnement entendent prononcer,
Et qu'osent répéter des lèvres qui pâlissent
Et qui vont se glacer.

Vous qui vivez si peu, pourquoi cette promesse
Qu'un élan d'espérance arrache à votre coeur,
Vain défi qu'au néant vous jetez, dans l'ivresse
D'un instant de bonheur ?

Amants, autour de vous une voix inflexible
Crie à tout ce qui naît : "Aime et meurs ici-bas ! "
La mort est implacable et le ciel insensible ;
Vous n'échapperez pas.

Eh bien ! puisqu'il le faut, sans trouble et sans murmure,
Forts de ce même amour dont vous vous enivrez
Et perdus dans le sein de l'immense Nature,
Aimez donc, et mourez !

                                                                        Louise Choquet Ackermann

 

  

 

Louise-Victorine Choquet nait à Paris le 30 novembre 1813. Elle passe une enfance solitaire à la campagne près de Montdidier au sud-est d’Amiens.

 Sa mère essaye de lui donner une éducation catholique selon les convenances de l’époque, tandis que son père, homme de lettres et fervent admirateur des encyclopédistes, ouvre l’esprit de la jeune Louise à la littérature.

 Envoyée en pension à Paris, elle découvre les œuvres des poètes anglais, Byron et Shakespeare, et allemands, Goethe et Schiller, ainsi que celles entre autres de Victor Hugo, d’Alfred de Musset et d’Alfred de Vigny. Son esprit se libère, elle commence à écrire en s’éloignant des conventions imposées par la religion.

 En 1841 elle rencontre Paul Ackermann qui tombe amoureux d’elle. N’ayant pas le courage de le repousser, elle l’épouse en 1843. Bien que de convenance, ce mariage se révèle, selon ses propres mots « exquis », et, deux ans plus tard, à la mort de son époux Louise Ackermann est profondément affectée

 En 1855 elle publie Contes, suivi de Contes et poésies en 1862 et de Poésies, premières poésies, poésies philosophiques en 1874.

Ces poèmes sont marqués par un certain pessimisme romantique, peut-être réminiscence de son aventure allemande, et par un élan de révolte contre la souffrance humaine puisant dans la foi en l’esprit humain et en son indépendance. La puissance de ses vers se concentre sur la condition et acceptation de la condition humaine, refusant toute prétention religieuse et scientifique de connaissance de la Vérité.

Peu de temps après la publication de  ce volume, Louise-Victorine Ackermann s’installe à Paris.

 Elle meurt à Nice le 3 août 1890.

 

 

 


 
 
posté le 19-03-2017 à 09:18:17

Marie-Catherine Desjardins de Villedieu (XVIIème siècle).

 Marie-Catherine Desjardins de Villedieu (1632-1683)

 

Jouissance

Aujourd'hui dans tes bras j'ai demeuré pâmée,
Aujourd'hui, cher Tirsis, ton amoureuse ardeur
Triomphe impunément de toute ma pudeur
Et je cède aux transports dont mon âme est charmée.

Ta flamme et ton respect m'ont enfin désarmée ;
Dans nos embrassements, je mets tout mon bonheur
Et je ne connais plus de vertu ni d'honneur
Puisque j'aime Tirsis et que j'en suis aimée.

O vous, faibles esprits, qui ne connaissez pas
Les plaisirs les plus doux que l'on goûte ici-bas,
Apprenez les transports dont mon âme est ravie !

Une douce langueur m'ôte le sentiment,
Je meurs entre les bras de mon fidèle Amant,
Et c'est dans cette mort que je trouve la vie.
 

                                                 Marie-Catherine Desjardins de Villedieu

 

Marie-Catherine Desjardins, sous le nom de plume de Mme De Villedieu,  s'engagea précocement dans la carrière littéraire et connut très tôt le succès.  Célèbre par ses aventures et galanteries, elle composa poésies, fables, théâtre,  romans, lettres, nouvelles historiques et galantes.
Originale et audacieuse, en quête perpétuelle de formules innovantes, elle  témoigne d'une liberté de mœurs que son sexe avait connue avec les grandes  dames de la Fronde, et était en train de perdre sous l'absolutisme naissant de  Louis XIV.
Pour celle qui se pique d'écrire " fort tendrement ", la fiction est un lieu  d'expression de l'intime, celui d'une existence troublée par des amours  malheureuses : elle fut en effet veuve de deux amants qui vécurent avec elle sans  l'épouser,  parce que mariés, le Capitaine de Villedieu et le Marquis de Lachasse.

 

 

 

 

 

 

Voilà comment  Mme Marie-Catherine Desjardins de Villedieu écrivait au XVII ème siècle.

 

 


 
 
posté le 15-03-2017 à 08:40:11

Le luth.

 

  Madeleine de l'Aubespine.

 

Le luth.

 

Pour le plus doux ébat que je puisse choisir,

Souvent, après dîner, craignant qu'il ne m'ennuie,

Je prends le manche en main, je le tâte et manie,

Tant qu'il soit en état de me donner plaisir.

 

Sur mon lit je me jette, et, sans m'en dessaisir,

Je l'étreins de mes bras et sur moi je l'appuie,

Et, remuant bien fort, d'aise toute ravie,

Entre mille douceurs j'accomplis mon désir.

 

S'il advient, par malheur, quelquefois qu'il se lâche,

De la main je le dresse, et, derechef, je tâche

A jouir du plaisir d'un si doux mouvement:

 

Ainsi, mon bien-aimé, tant que le nerf lui tire,

Me contemple et me plaît que de lui, doucement,

Lasse et non assouvie, enfin je me retire.

 

Madeleine de l'Aubespine

 

 

 Madeleine de l'Aubespine (1546-1596)

 

 Cette poétesse française naquit et décéda à Villeroy. Epouse de Nicolas de Neufville, Seigneur de Villeroy, qui fut Secrétaire d’Etat sous les règnes de Charles IX et d’Henri III, elle devint dame d’honneur de Catherine de Médicis.

 Mondaine, spirituelle et savante, (ainsi que sa traduction des Héroïdes d’Ovide l’atteste) elle tint un des salons les plus célèbres de son temps. Son hôtel, proche du Louvre, vit défiler les poètes les plus renommés ; Rémy Belleau lui dédia une de ses « pierres précieuses », Ronsard la considérait comme sa fille spirituelle et Philippe Desportes dont elle fut l’amie la célébra sous le nom de Callianthe et de Cléonice.

Les poèmes de Madeleine de l’Aubespine sont restés manuscrits de son temps et ne furent publiés pour la première fois qu'en 1926

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 
 
posté le 07-03-2017 à 09:30:56

Les barbares.

Ils se sont avancés, les barbares sanguinaires

Venus d'un autre temps, vêtus de peau de bêtes

Poussant vers le ciel des cris retentissants

Ignorant la pitié, l'amour et les valeurs

Brûlant sur leur passage les modestes demeures

Détruisant sans regret les fermes et les campagnes

Ils se sont réunis sur la place du village

Ils ont crié leur haine à ceux d'un autre lieu

Ils ont souillé les murs et craché sur les tombes

Ils ont sali l'honneur et meurtri nos compagnes

Ils ont régné en maîtres sur nos vies misérables

Ils ont tué l'espoir et ruiné notre honneur

Pas un seul d'entre nous n'a osé les combattre

On a tout accepté et renié nos idées

Les traîtres sont sortis de leurs cachettes infâmes

Et dressé des lauriers à nos bourreaux immondes

Plus de fleurs ne poussaient sous les sabots rebelles

Le mal était bien là et l'infamie aussi

C'est alors que naquit sans qu'ils ne s'en aperçoivent

Ce sourire

Renversant issu de nulle part

Ce sourire

Merveilleux qui les a étonnés

Ce sourire

Languissant qui les a désarmés

Ils s'en allèrent craintifs fourbus et pitoyables

Maudissant ce sourire qui les avait vaincus.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 


 
 
posté le 03-03-2017 à 10:15:30

Le miroir.

 

Ce jour-là, au miroir,

La jeune femme énervée,

Refusa un baiser. 

Le miroir agacé,

Déçu, faisait la moue.

Il renvoya alors,

Une image déformée,

De sa belle adorée.

Elle se voyait si laide,

Joues tombantes, yeux défaits,

Un nez en champignon,

Un menton en galoche

Et un cou si fripé.

Lui en était ravi,

Du tour qu’il lui jouait.

Elle voulut être sûre,

Devant lui se mit nue.

Le miroir fut troublé,

Mais il continua,

Ce petit jeu méchant.

Elle lui montra ses seins

A l’arrondi parfait.

Mais lui ne réfléchit,

Que deux outres pendantes.

Elle exhiba son ventre,

Qu’il transforma bien vite,

En bouée disgracieuse.

Elle se tourna un peu,

Pour lui montrer ses fesses,

Qu’il déforma, moqueur,

En figues ramollies.

Le miroir se disait,

Que peut-être il fallait

Lui dire la vérité.

Mais il continua

A faire souffrir la belle

Et métamorphosa

Ses cuisses en jambonneaux.

Pour elle s’en était trop,

Elle se mit à pleurer.

Le miroir attendri,

Amoureux de sa belle,

Enfin se dérida

Et rendit à l’aimée,

Son image réelle.

Contente, elle lui donna,

Le baiser recherché.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 
 
posté le 26-02-2017 à 08:23:21

Vil amour.

 

Je lui ai dit je t'aime mais ça n'a pas suffi.

Ton amour, souffla-t-elle, écris le en sanscrit*.

J'ai appris le sanscrit, ce n'était pas facile,

En payant en roupies un scribe malhabile.  

Elle refusa ses lèvres et dit d'un air malin,  

Je veux que ton amour soit dit en tibétain.

J'ai appris cette langue aux sommets des montagnes

Et négocié ma vie aux êtres vêtus de pagnes.  

En admirant ses yeux, mon regard s'est fané,

J'ai humé à tâtons son parfum suranné.  

Elle faisait le trottoir dans une rue à marins,  

Elle offrait sa vertu et vendait ses gros seins. 

Je la vis trottiner dans cette voie livide,  

Au bras d'un chenapan à la poche bien vide.  

Elle me dit de sa voix rauque de matador,  

Pour m'aimer il faudra au moins trois lingots d'or.

J'ai fondu ce métal à plus de mille degrés,

Elle referma ses yeux sur les lingots dorés

Et s'enfuit en riant vers cet hôtel douteux,

Pour rejoindre un amant à l'aspect souffreteux.

 

 

                                                            Notes:

 

 

त्वयि स्निह्यामि; je t'aime en sanscrit

ང་ཁྱེད་རང་ལ་དགའ་པོ་ཡོད་  (na kirinla gaguidou ) je t’aime en tibétain


 

 

 

 

 

 Je t'aime en langage des signes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

*Le sanskrit ou sanscrit (संस्कृतम् (sasktam)) est une langue indo-européenne de la famille indo-aryenne, autrefois parlée dans le sous-continent indien. De nos jours, certains érudits le parlent encore et publient des œuvres académiques ou tiennent des colloques en sanskrit.

Le sanskrit est notamment la langue des textes religieux hindous, bouddhiste ainsi que des textes littéraires ou scientifiques et, à ce titre, continue d'être utilisé, à la manière du latin en Occident, comme langue liturgique, culturelle et même véhiculaire (un recensement de 1981 indique qu'il y aurait encore environ 6 100 locuteurs ; en 1961, à peu près 194 400 personnes disaient l'utiliser comme langue secondaire). C'est d'ailleurs l'une des langues officielles de l'Inde. La grammaire du sanskrit est celle d'une langue hautement flexionnelle et très archaïsante.

 

 

 

 


 


Commentaires

 

1. gegedu28  le 26-02-2017 à 10:27:17  (site)

Bonjour,
Encore un joli poème, vous en avez le don !
En tout cas, grâce à vous, je suis plus érudit ce jour, car je ne savais pas ce qu'était le sanscrit, j'ai découvert.
smiley_id117076
Moi, à défaut de cultiver ma mémoire, je m'en vais cultiver mon jardin ce jour, ... avant le printemps !
Bonne journée et à très bientôt.
Gégédu28

 
 
 
posté le 20-02-2017 à 10:07:49

Le cactus et la fleur.

.

 Le cactus épineux,

Détestait cette pluie.

Sa voisine, jolie fleur,

Adorait recevoir,

La rosée sur son corps.

Elégante sur sa tige,

Les pétales relevés,

Elle avait de l’allure,

Dans le champ verdoyant.

Le cactus ruminait,

Un amour impossible,

Et elle, n’aimait pas trop,

Ce voisin dérangeant.

Elle était obligée,

De vivre près de lui,

Elle n’avait pas choisi

De pousser dans son ombre.

Et l’orage éclata,

Forte pluie et tonnerres.

Le cactus avait mal,

Mouillé, il étouffait,

Il se sentait mourir.

La fleur le regarda

Et eut pitié de lui.

Elle pencha sur son corps,

Ses pétales veloutés.

Oubliant son dégoût,

Elle lissa ses épines

Et fit tomber toute l’eau,

Du corps de ce cactus,

Qu’elle méprisait un peu.

Quand le soleil revint,

Il devint vigoureux

Et sentit sous sa peau,

Pousser d’autres épines.

La fleur le remarqua,

Dit bonjour, lui sourit…

Ils devinrent bons voisins,

C’est tout ce qu’il voulait… 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 
 
posté le 19-02-2017 à 08:57:52

Chanson sur le départ de Saint-Lambert.

 

Elisabeth Françoise Sophie LALIVE DE BELLEGARDE

 Comtesse DE HOUDETOT

 

 (Cliquez sur la photo pour une biographie complète)

 

L'amant que j'adore,

Prêt à me quitter,

D'un instant encore,

Voudrait profiter...

Félicité vaine

Qu'on ne peut saisir,

Trop près de la peine

Pour être un plaisir !

 

 Elisabeth Françoise Sophie de la Live de Bellegarde,

Comtesse de Houdetot (1730-1813)

 

 

 

 

Elisabeth Françoise Sophie LALIVE DE BELLEGARDE

Comtesse DE HOUDETÔT

•Née le 18 décembre 1730 (lundi) - PARIS 75

•Décédée le 28 janvier 1813 (jeudi) - PARIS 75 , à l’âge de 82 ans


Elisabeth Françoise Sophie Lalive de Bellegarde, comtesse d'Houdetot a laissé une forte impression à tous ceux qui l'ont approchée. Selon Sainte-Beuve, le salon qu'elle réunissait durant son âge avancé soit après 1800, accueillait les débris de la bonne compagnie et de la société philosophique. Présents, les derniers philosophes soit son amant Jean-François de Saint-Lambert, Jean-Baptiste-Antoine Suard qui tint lui-même un salon

Rousseau avait rencontré Sophie d'Houdetot sans la remarquer en février 1748. Par la suite, il la vit à plusieurs reprises, mais ce n'est qu'en janvier 1757, alors qu'il avait entrepris la rédaction de La Nouvelle Héloïse, qu'il s'en éprit passionnément. Bien qu'ils se fréquentèrent pendant plusieurs mois, Sophie a conservé sa fidélité à son amant, le poète Saint-Lambert. Elle s'éloigna à compter de janvier 1758, pour cesser tout échange dès 1760.

Quand il parle d'elle dans les Confessions, Rousseau était loin "de prévoir que cette jeune personne ferait un jour le destin de sa vie et l'entraînerait, quoique bien innocemment dans l'abîme où je suis aujourd'hui".


 


 

 

 

 

 


 


 
 
 

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