Auguste Rodin : la vieille courtisane.
Adieux.
Lorsque grâce au printemps vous ne serez plus belle,
Vieillotte grasse ou maigre avec des yeux méchants,
Mère gigogne grave en qui rien ne rappelle
La fille aux traits d'infante immortelle en mes chants,
Il reviendra parfois dans votre âme quiète
Un souvenir de moi différent d'aujourd'hui
Car le temps glorieux donne aux plus laids poètes
La beauté qu'ils cherchaient cependant que par lui.
Les femmes voient s'éteindre en leurs regards la flamme ;
Sur leur tempe il étend sa douce patte d'oie.
Les fards cachent les ans que n'avouent pas les femmes
Mais leur ventre honteux les fait montrer du doigt.
Et vous aurez alors des pensées ridicules.
– C'est en dix-neuf cent un qu'un poète m'aima.
Seule je me souviens, moi, vieille qui spécule,
De sa laideur au taciturne qui m'aima.
Guillaume Apollinaire, « Adieux » (extrait), publication posthume, 1925.
Guillaume Apollinaire.
Né à Rome (Italie) le 25/08/1880 ; Mort à Paris (France) le 09/11/1918.
Guillaume Apollinaire, grand poète du XXe siècle, participe aux révolutions littéraires et esthétiques de son époque. Défenseur de l'art moderne et conteur, il est l'inventeur du mot "surréalisme" et ouvre une nouvelle voie poétique.
Guillaume Apollinaire de Kostrowitzky naît à Rome en 1880. Il est le fils d'une Polonaise et d'un père inconnu (un officier italien, selon l'hypothèse la plus probable).
En 1902 il publie dans "La Revue blanche" son premier conte, "L'Hérésiarque", en signant "Guillaume Apollinaire".
Le poète pénètre dans les milieux artistiques et devient ami avec Pablo Picasso. Il suit de très près l'évolution du mouvement cubiste et publie en 1913 "Peintres cubistes". Cette même année est publié son premier recueil, "Alcools", sélection de poèmes rédigés depuis ses débuts.
Il est affecté en décembre 1914 dans l'artillerie et continue d'écrire. Transféré dans l'infanterie en 1915, il est naturalisé en début d'année 1916. Il est blessé quelques jours plus tard par un éclat d'obus et est trépané à Paris. Après des mois de convalescence, il se remet à écrire et crée le terme de "surréalisme" dans une lettre à un poète. Il publie en 1918 son second grand recueil poétique, "Calligrammes", quelques mois avant de mourir de la grippe espagnole. Il est enterré au cimetière du Père-Lachaise à Paris.
Octavio Ocampo*: “Mouth of the Flower”
Bouche dont la douceur m’enchante doucement.
Bouche dont la douceur m’enchante doucement
Par la douce faveur d’un honnête sourire :
Bouche qui soupirant un amoureux martyre,
Apaisez la douleur de mon cruel tourment.
Bouche, de tous mes maux le seul allègement,
Bouche qui respirez un gracieux Zéphyre :
Qui les plus éloquents surpassez à bien dire
À l’heure qu’il vous plaît de parler doctement.
Bouche pleine de lys, de perles, et de roses,
Bouche qui retenez toutes grâces encloses,
Bouche qui recelez tant de petits Amours,
Par vos perfections, ô bouche sans pareille,
Je me perds de douceur, de crainte et de merveille
Dans vos ris, vos soupirs, et vos sages discours.
Catherine Des Roches ( 1542-1587)
Catherine Fradonnet, dite Catherine Des Roches, est une écrivaine féministe de la Renaissance.
Contemporaine de Ronsard, Catherine Des Roches était au centre d’un cercle littéraire à Poitiers entre 1570 et 1587. Son œuvre la plus connue est son sonnet À ma quenouille où « ayant dedans la main, le fuzeau et la plume », elle dépeint la femme partagée entre ses tâches domestiques et les activités de l’esprit.
Elle refusa de se marier pour pouvoir se consacrer à ses travaux intellectuels. Elle mourut de la peste le même jour que sa mère, Madeleine Des Roches.
* Octavio Ocampo est un peintre et sculpteur surréaliste mexicain né le 28 février 1943 à Celaya dans l'État de Guanajuato.
Parti étudier à l’institut des Arts de San Francisco, depuis 1976, il se concentre principalement à
sur la peinture et la sculpture.
Sa particularité est d’assembler des objets/des personnes/des animaux pour composer des portraits et des paysages. L’illusion d’optique qui en résulte, rend ses œuvres particulièrement intéressantes à observer.
Je n’ai jamais travaillé dans le temps.
Je n’ai jamais travaillé dans le temps Je n’ai jamais créé pour le futur Ancré ma vie Jamais pour le futur je n’ai ancré ma vie Et seul le désespoir ou la mort ont suspendu ma vie A l’éternité d’un visage Et la mort aussi m’a poussé à faire ces pertes vaines et nécessaires Pour la connaissance des hommes J’étais enterré vivant Je n’ai rien à dire et je n’apporte rien Je n’apporte que mon visage Et cet espèce de ricanement qui ne me convient pas Et que je connais bien Cette espèce de douleur qui me pousse à sourire la grâce Cette espèce de bonheur qui m’interdit le vrai bonheur La liberté dans l’espace la liberté dans le temps Je n’avais rien à dire et je n’apporterai rien Que cette espèce de ricanement qui ne m’appartient pas.
Jacques PREVEL (1915 – 1951).
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Jacques Marie PREVEL (1915 – 1951) est un poète français. Il est surtout connu pour avoir été l’un des derniers et fidèles amis du poète Antonin Artaud. Venu du Havre, il arrive à Paris durant l’occupation où il connaîtra l’isolement et la misère En 1946, le poète Antonin Artaud, alors interné durant près de neuf ans dans divers hôpitaux psychiatriques arrive à Paris. La rencontre avec ce dernier sera son illumination. À partir de ce jour va naître entre les deux hommes une amitié fondée sur le respect, la quête incessante de la poésie et de la drogue (Prevel fournissait Artaud en laudanum et en opium). Jacques Prevel tiendra jusqu’à la mort d’Artaud son journal aujourd’hui appelé « En compagnie d’Antonin Artaud » où il relate sa vie quotidienne avec le célèbre poète maudit. Épuisé par la tuberculose, Jacques Prevel s’éteindra en 1951, cinq ans jour pour jour après sa rencontre avec Artaud.
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Le petit endroit.
Vous qui venez ici
dans une humble posture
De vos flancs alourdis
décharger le fardeau
Veuillez quand vous aurez
Soulagé la nature
Et déposé dans l'urne
un modeste cadeau
Epancher dans l'amphore
un courant d'onde pure
Et sur l'autel fumant
placer pour chapiteau
Le couvercle arrondi
dont l'auguste jointure
Aux parfums indiscrets
doit servir de tombeau
Alfred de MUSSET (1810-1857)
Alfred de MUSSET (1810-1857).
Alfred de Musset est un poète et un dramaturge français de la période romantique.
Lycéen brillant, Alfred de Musset abandonne ses études supérieures pour se consacrer à la littérature. Dès l'âge de 17 ans, il fréquente les poètes du Cénacle de Charles Nodier et publie à 19 ans, son premier recueil poétique qui révèle son talent.
Il commence alors à mener une vie de « dandy débauché
Il rencontre Georges Sand en 1833 avec laquelle il se lie amoureusement et part en Italie. Leur relation mouvementée, se termine en mai 1835. Pendant cette relation avec Georges Sand, il écrit son chef-d'œuvre, un drame romantique, "Lorenzaccio" en 1834 ainsi que sa pièce la plus connue: "On ne badine pas avec l'amour".
Dépressif et alcoolique, à 30 ans, Alfred de Musset écrit de moins en moins, mais reçoit la Légion d'honneur en 1845 et est élu à l'Académie française en 1852. Mort à 46 ans, à peu près oublié, il est redécouvert au XXe siècle et considéré comme un des grands écrivains romantiques français. Son théâtre et sa poésie lyrique montrent une sensibilité extrême, une interrogation sur la pureté et la débauche, une exaltation de l'amour et une expression sincère de la douleur.
Francis Hayman (1708-1776): " Le Moine lubrique"
Le Mot et la Chose.
Madame quel est votre mot
Et sur le mot et sur la chose
On vous a dit souvent le mot
On vous a fait souvent la chose
Ainsi de la chose et du mot
Vous pouvez dire quelque chose
Et je gagerais que le mot
Vous plaît beaucoup moins que la chose
Pour moi voici quel est mon mot
Et sur le mot et sur la chose
J'avouerai que j'aime le mot
J'avouerai que j'aime la chose
Mais c'est la chose avec le mot
Mais c'est le mot avec la chose
Autrement la chose et le mot
A mes yeux seraient peu de chose
Je crois même en faveur du mot
Pouvoir ajouter quelque chose
Une chose qui donne au mot
Tout l'avantage sur la chose
C'est qu'on peut dire encore le mot
Alors qu'on ne fait plus la chose
Et pour peu que vaille le mot
Mon Dieu c'est toujours quelque chose
De là je conclus que le mot
Doit être mis avant la chose
Qu'il ne faut ajouter au mot
Qu'autant que l'on peut quelque chose
Et que pour le jour où le mot
Viendra seul hélas sans la chose
Il faut se réserver le mot
Pour se consoler de la chose
Pour vous je crois qu'avec le mot
Vous voyez toujours autre chose
Vous dites si gaiement le mot
Vous méritez si bien la chose
Que pour vous la chose et le mot
Doivent être la même chose
Et vous n'avez pas dit le mot
Qu'on est déjà prêt à la chose
Mais quand je vous dis que le mot
Doit être mis avant la chose
Vous devez me croire à ce mot
Bien peu connaisseur en la chose
Et bien voici mon dernier mot
Et sur le mot et sur la chose
Madame passez-moi le mot
Et je vous passerai la chose.
Gabriel Charles abbé de Lattaignant (1697-1779)
Gabriel-Charles de Lattaignant (ou L'Attaignant) est un chansonnier et poète français, né vers 16971 à Paris où il est mort le 10 janvier 1779.
Pendant des siècles, les enfants de la noblesse avaient un chemin tout tracé. L’ainé héritait du titre et embrassait les armes; le second, quant à lui était destiné aux ordres ecclésiastiques. C’est ce qui arriva à Gabriel-Charles de Lattaignant. Durant plus de vingt ans, bien que décrit par ses contemporains comme laid, il fut connu pour ses vers libertins et ses nombreuses conquêtes féminines.
L’abbé de Lattaignant a chanté le vin, l’amitié et l’amour. Poète et auteur, mais par un double prodige, poète sans fiel, et auteur sans travail, jamais l’envie, la haine, l’animosité, la vengeance n’ont animé ses écrits ; et si ses vers sont le fruit de ses veilles, c’est qu’il veillait avec les Plaisirs. Si on lui doit la chanson enfantine « J’ai du bon tabac… », il était surtout connu pour ses poèmes chantant l’amour. Libertin mais instruit, il se plait à contourner les règles dues à son statut. Ainsi, il laissera nombre de poèmes employant des métalepses[1]. Ses poésies galantes sont en fait. Son poème galant le plus connu « Le mot et la chose » est une évocation de l’amour, mais sans jamais en prononcer le mot
[1] Figure rhétorique qui sert à « taire tout en disant »
Taches de son.
Sur ta peau si tendre et si lisse,
Dont ma bouche sait la douceur,
Le soleil d’été, par malice,
A mis des taches de rousseur.
C’est tous les ans la même chose ;
Et l’on dirait qu’il veut laisser
Sur ton radieux teint de rose
Une trace de son baiser.
Mais j’aime tout de ce que j’aime ;
Et ton front, si frais et si doux,
M’attire davantage même
Constellé de quelques points roux.
Quand à mes lèvres tu le portes
D’un geste amoureux, je crois voir
La neige d’or des feuilles mortes
Sur le ciel vermeil d’un beau soir.
François COPPÉE (1842-1908).
(Recueil : "Arrière-saison").
François Édouard Joachim Coppée, né le 26 janvier 1842 à Paris où il est mort le 23 mai 1908, est un poète, dramaturge et romancier français.
Coppée fut le poète populaire et sentimental de Paris et de ses faubourgs, des tableaux de rues intimistes du monde des humbles. Poète du souvenir d’une première rencontre amoureuse (« Septembre, au ciel léger »), de la nostalgie d’une autre existence (« Je suis un pâle enfant du vieux Paris ») ou de la beauté du crépuscule (« Le crépuscule est triste et doux »), il rencontra un grand succès populaire avant de tomber dans l’oubli.
En vers et en prose, Coppée s’appliqua à exprimer l’émotion humaine de la façon la plus simple : le patriotisme instinctif, la joie d’un nouvel amour et la pitié envers les pauvres, traitant chacun de ces sujets avec sympathie et pénétration.
1. Zigzag le 06-01-2019 à 20:30:59 (site)
Bsr
Superbes rimes
Je reste envieuse de vos Mot
Chapeau & Bravo
Amitié....Rimes
A ma fille décédée.
Ma fille ! ... Je t’appelle, hélas ! Et tu n'es plus ! Loin du climat qui te vit naître, Comme une tendre fleur, tu n'as fait que paraître. Je viens graver ici des regrets superflus. Ici sont renfermés, sous cette froide pierre, Tes grâces, ta beauté, tes talents, tes vertus, Et le cœur de ta mère.
Victoire Babois (1760-1839) Extrait de « Élégie sur la mort de ma fille » (âgée de cinq ans)
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Marguerite Victoire Babois, née le 6 octobre 1760 à Versailles et décédée le 18 mars 1839 à Paris, est une femme de lettres française, auteure d'élégies et autres poésies qui ont placé son nom au premier rang des poètes élégiaques français.
Elle est considérée comme une très grande poétesse de son époque. De nombreuses anthologies publiées entre 1820 et 1850 la classe dans les plus grands poètes de toute l'histoire littéraire de la poésie française. Bien que sa renommée soit aujourd'hui oubliée, ses poésies ont inspiré et nourri celles de Marceline Desbordes-Valmore, Alphonse de Lamartine, Victor Hugo, etc.
1. Florentin le 06-12-2018 à 15:35:57 (site)
Poème aussi triste qu'évocateur. J'avoue, je ne connaissais pas le nom de Victoire Babois (mais je ne ne suis pas un spécialiste de la poésie,même si j'aime beaucoup) et, si ce que tu en dis est vrai, c'est très injuste que sa mémoire n'est pas survécu à l'écoulement du temps. Florentin
2. la piote le 12-12-2018 à 13:32:55 (site)
Bjr et enchantée
Quelle Découverte Triste et Pourtant,rempli de vérité de sentiments volés à une Mère,une famille....
Je ne connaissais pas du tout
J en reste « Émue....
Mais telle est la « Vie....
Tendresse & Souffrance
Mercii
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