Albert Mérat (1840 – 1909).
Albert Mérat est un poète parnassien. Dans son œuvre l'Idole, il revisite le blason littéraire en dédiant aux femmes un sonnet pour chaque partie du corps. Le plus croustillant arrive ; rien n'est écrit sur les fesses et le sexe féminins, thèmes éminemment poétiques toutefois. Verlaine et Rimbaud, s'arment contre la censure et écrivent « Le sonnet du trou du cul », faisant scandale ! Verlaine rend hommage à Mérat dont il s'était un peu moqué dans l'un de ses poèmes et Rimbaud le considère comme un « voyant » visionnaire presque, aussi talentueux que Verlaine.
L'idole(2) : La jambe.
Comme pâlit la joue au baiser de l'amant, Une invisible lèvre a touché la peau rose Aux chevilles ; le sang glorieux les arrose Sans que leur neige en soit moins blanche seulement.
Voici qu'un peu plus haut le divin gonflement De la chair semble un marbre où la fève est enclose. Le genou souple règle à son gré chaque pose Et conduit l'action du pas ferme et charmant.
C'est la vigueur et c'est l'élan des chasseresses ; Ou, dans le geste propre aux plastiques paresses, La détente du grand repos oriental.
Et l'on songe à Diane, au front ceint de lumière, Parmi ses nymphes, près des sources de cristal, La plus svelte, la plus superbe et la première.
Albert Mérat (1840-1909).
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Albert Mérat (1840 – 1909).
Albert Mérat est un poète parnassien. Dans son œuvre l'Idole, il revisite le blason littéraire en dédiant aux femmes un sonnet pour chaque partie du corps. Le plus croustillant arrive ; rien n'est écrit sur les fesses et le sexe féminins, thèmes éminemment poétiques toutefois. Verlaine et Rimbaud, s'arment contre la censure et écrivent « Le sonnet du trou du cul », faisant scandale ! Verlaine rend hommage à Mérat dont il s'était un peu moqué dans l'un de ses poèmes et Rimbaud le considère comme un « voyant » visionnaire presque, aussi talentueux que Verlaine.
L'idole(1) : La bouche.
Ô lèvres, fleurs de sang qu'épanouit le rire, Frais calice du souffle et rose du baiser, Où, malgré moi, revient mon rêve se poser, Si douces que les mots ne peuvent pas le dire.
Lèvres, coupes d'amour après qui l'on aspire, Désireux de l'ivresse et craignant d'y puiser ; Le buveur délicat a peur de vous briser, Et lentement avec extase vous attire.
Je veux tarir ma soif à vos calices clairs ; A votre humide bord irradié d'éclairs Je boirai comme on boit à l'eau d'une fontaine.
Versez-moi la caresse, irritante douceur, Ô lèvres ! souvenir, espérance lointaine, Dont je veux mordre encore la fragile épaisseur !
Albert Mérat (1840-1909).
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En wagon.
Du wagon sombre où rien ne bouge, où rien ne luit, Las des rêves, mauvais compagnons pour la nuit, Le voyageur, avec le jour, cherchant l'espace, Salue en souriant la campagne qui passe : Les arbres, les moissons hautes, l'azur des prés Lointains, sur le penchant des coteaux diaprés, Les villages qui sont tout proches de la route, Les troupeaux ruminants et doux, mis en déroute Par le bruit, les maisons blanches, l'horizon clair ; Et dans un champ rougi des premiers feux de l'air, Tandis qu'un clocher fin carillonne une fête, Des travailleurs courbés, et qui lèvent la tête.
Albert Mérat (1840-1909).
Albert Mérat est un poète français, né à Troyes le 23 mars 1840 et décédé à Paris en 1909. Fils et petit-fils d’avocats, arrivé à Paris avec sa mère devenue veuve, il fait son Droit mais préfère vite les Lettres. Comme il est d’usage chez les poètes XIXe siècle, Albert Mérat voyage. Sa poésie évoque surtout le ciel et le soleil de l’Italie ainsi que ses monuments. Le plaisir du retour, son attachement au pays, sont aussi très présents dans son œuvre. Mérat s’inspire des paysages de la campagne de la région parisienne. La vie à Paris demeure l’un de ses sujets de prédilection et les femmes sont l’un de ses sujets favoris. Dans le recueil L’idole, il décrit à peu près toutes les parties de leur corps, hormis les fesses ce qui lui sera reproché par d’autres Parnassiens.
Le recueil L'idole (1869) : La bouche. La jambe. La nuque. Le cou. Le front. Le nez. Le pied. Les bras. Les cheveux. Les corps. Les dents. Les épaules. Les mains. Les seins. Les yeux. Le ventre. L'oreille.
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Berthe Morisot* : Devant le miroir.
Sur un miroir.
Toutes les fois, miroir, que tu lui serviras
A se mettre du noir aux yeux ou sur sa joue
La poudre parfumée, ou bien dans une moue
Charmante, son carmin aux lèvres, tu diras :
«Je dormais reflétant les vers, que sur l'ivoire
Il écrivit... Pourquoi de vos yeux de velours,
De votre chair, de vos lèvres, par ces atours,
Rendre plus éclatante encore la victoire? »
Alors, si tu surprends quelque regard pervers,
Si de l'amour présent elle est distraite ou lasse.
Brise toi, mais ne lui sers pas, petite glace,
A s'orner pour un autre, en riant de mes vers.
Charles Cros.
Charles Cros, né le 1er octobre 1842 à Fabrezan (Aude), originaire d'une famille de Lagrasse (Aude), et mort le 9 août 1888 dans le 6e arrondissement de Paris, est un poète et inventeur français. Un musée lui est consacré à Fabrezan.
* Berthe Marie Pauline Morisot, née le 14 janvier 1841 à Bourges et morte le 2 mars 1895 à Paris, est une peintre française, membre fondateur et doyenne du mouvement d'avant-garde que fut l'Impressionnisme
Berthe Morisot par Édouard Manet (1870).
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Les corbeaux.
Les noirs corbeaux au noir plumage, Que chassa le vent automnal, Revenus de leur long voyage, Croassent dans le ciel vernal.
Les taillis, les buissons moroses Attendent leurs joyeux oiseaux : Mais, au lieu des gais virtuoses, Arrivent premiers les corbeaux.
Pour charmer le bois qui s'ennuie, Ces dilettantes sans rival, Ce soir, par la neige et la pluie, Donneront un grand festival.
Les rêveurs, dont l'extase est brève, Attendent des vols d'oiseaux d'or ; Mais, au lieu des oiseaux du rêve, Arrive le sombre condor.
Mars pleure avant de nous sourire. La grêle tombe en plein été. L'homme, né pour les deuils, soupire Et pleure avant d'avoir chanté.
Nérée BEAUCHEMIN (1850 – 1931)
Le poète québécois Nérée Beauchemin (1850-1931) est considéré comme l’un des premiers écrivains du terroir. Sincérité des mots, simplicité des vers et amour fidèle de la patrie — c’est-à-dire de sa région — caractérisent sa poésie. Ses vers présentent le monde harmonieux qui entoure le poète par une évocation matérielle et précise. Les thèmes de l’art, la beauté, la nature, la religion et la fidélité y sont développés. Sa poésie est visuelle, rappelant parfois celle des Parnassiens, imbue d’une foi catholique inébranlable. Il se voit décerner la Médaille de l’Académie française en 1930.
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L'été.
C'est l'été. Le soleil darde Ses rayons intarissables Sur l'étranger qui s'attarde Au milieu des vastes sables.
Comme une liqueur subtile Baignant l'horizon sans borne, L'air qui du sol chaud distille Fait trembloter le roc morne.
Le bois des arbres éclate. Le tigre rayé, l'hyène, Tirant leur langue écarlate, Cherchent de l'eau dans la plaine.
Les éléphants vont en troupe, Broyant sous leurs pieds les haies Et soulevant de leur croupe Les branchages des futaies.
Il n'est pas de grotte creuse Où la chaleur ne pénètre. Aucune vallée ombreuse Où de l'herbe puisse naître.
Au jardin, sous un toit lisse De bambou, Sitâ sommeille : Une moue effleure et plisse Parfois sa lèvre vermeille.
Sous la gaze, d'or rayée, Où son beau corps s'enveloppe, En s'étirant, l'ennuyée Ouvre ses yeux d'antilope.
Mais elle attend, sous ce voile Qui trahit sa beauté nue, Qu'au ciel la première étoile Annonce la nuit venue.
Déjà le soleil s'incline Et dans la mer murmurante Va, derrière la colline, Mirer sa splendeur mourante.
Et la nature brûlée Respire enfin. La nuit brune Revêt sa robe étoilée, Et, calme, apparaît la lune. A Laure Bernard.
Charles CROS (1842 – 1888)
Charles Cros, né à Fabrezan (Aude) le 1er octobre 1842 et mort à Paris le 9 août 1888, est un poète et inventeur français. Passionné de littérature et de sciences, il fut de 1860 à 1863, professeur de chimie à l’Institut parisien des Sourds-Muets, avant de se consacrer à la recherche scientifique. En 1869, il présenta à la Société française de photographie un procédé de photographie en couleurs qui est à l’origine du procédé actuel de trichromie. Il étudia également des améliorations à la technologie du télégraphe : il avait présenté à l’Exposition de 1867 un prototype de télégraphe automatique. En avril 1877, il formulait le principe d’un appareil de reproduction des sons qu’il nomma paléophone. Son document, présenté à l’Académie des sciences, suggérait que les vibrations sonores pouvaient être gravées dans du métal à l’aide d’un crayon rattaché à une membrane vibrante, et que, par la suite, en faisant glisser un stylet rattaché à une membrane sur cette gravure on parviendrait à reproduire le son initial. Avant que Charles Cros n’eût la possibilité de suivre son idée voire de construire un prototype, Thomas Edison, aux États-Unis, mettait au point le premier phonographe Son œuvre de poète, brillante également (une des sources d’inspiration du surréalisme) a été ignorée par son époque. Il fréquenta les cercles et cafés littéraires de la bohème de l’époque (« Cercle des poètes Zutistes » — qu’il avait créé —, « Vilains Bonshommes », «Hydropathes »), ainsi que le salon de Nina de Villard qui fut sa maîtresse jusqu’en 1877. Mais s’il était connu, en vérité, c’était pour ses monologues, dont le plus connu est « Le Hareng saur », qu’il récitait lui-même dans des cabarets parisiens comme « Le Chat noir ». En son honneur a été créée l’Académie Charles-Cros qui récompense chaque année les meilleurs disques.
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Porteurs de cicatrices.
Les morts aux visages rompus se redressent La langue des humiliés se gonfle Orageuse se lève la marée des victimes
Mais prenez garde porteurs de cicatrices !
Éteignez dans vos chairs les volcans de la haine
Piétinez l'aiguillon et crachez le venin
qui vous apparenteraient un jour aux bourreaux
Étouffez ces clairons ces sonneries qui forcent la ressemblance qui commandent le talion
Questionnez vos viscères Percez vos propres masques
Soyez autres !
Andrée Chedid (1920-2011).
Andrée Chedid, née Andrée Saab le 20 mars 1920 au Caire et morte le 6 février 2011 à Paris, est une femme de lettres et poétesse française d’origine syro-libanaise. Elle publie son premier roman en 1952 et écrit des nouvelles, des poèmes, des pièces de théâtre, des romans, et de la littérature jeunesse.
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Les Épiceries.
Le soleil meurt : son sang ruisselle aux devantures
Et la boutique immense est comme un reposoir
Où sont, par le patron, rangés sur le comptoir
Comme des cœurs de feu, les bols de confitures.
Et, pour mieux célébrer la chute du soleil,
L’épicier triomphal qui descend de son trône,
Porte dans ses bras lourds un bocal d’huile jaune
Comme un calice d’or colossal et vermeil.
L’astre est mort ; ses derniers rayons crevant les nues
Illuminent de fièvre et d’ardeurs inconnues
La timide praline et les bonbons anglais.
Heureux celui qui peut dans nos cités flétries
Contempler un seul soir pour n’oublier jamais
La gloire des couchants sur les épiceries.
Vincent Muselli (1889-1956)
Vincent Muselli est un poète français, né à Argentan le 22 mai 1879, décédé à Paris le 28 juin 1956. Ses poèmes sont souvent des quatrains ou des sonnets.
Commentaires
1. Crystall le 31-07-2023 à 11:36:07 (site)
Magnifique poeme !!