posté le 11-10-2017 à 09:48:00

Le bonheur.

 

Le Bonheur.

 

Pour apaiser l’enfant qui, ce soir, n’est pas sage,

 Églé, cédant enfin, dégrafe son corsage,

 D’où sort, globe de neige, un sein gonflé de lait.

 L’enfant, calmé soudain, a vu ce qu’il voulait,

 Et de ses petits doigts pétrissant la chair blanche

 Colle une bouche avide au beau sein qui se penche.

 Églé sourit, heureuse et chaste en ses pensées,

 Et si pure de cœur sous les longs cils baissés.

 Le feu brille dans l’âtre ; et la flamme, au passage,

 D’un joyeux reflet rose éclaire son visage,

 Cependant qu’au dehors le vent mène un grand bruit…

L’enfant s’est détaché, mûr enfin pour la nuit,

 Et, les yeux clos, s’endort d’un bon sommeil sans fièvres,

 Une goutte de lait tremblante encore aux lèvres.

 La mère, suspendue au souffle égal et doux,

 Le contemple, étendu, tout nu, sur ses genoux,

 Et, gagnée à son tour au grand calme qui tombe,

 Incline son beau col flexible de colombe ;

 Et, là-bas, sous la lampe au rayon studieux,

 Le père au large front, qui vit parmi les dieux,

 Laissant le livre antique, un instant considère,

 Double miroir d’amour, l’enfant avec la mère,

 Et dans la chambre sainte, où bat un triple cœur,

 Adore la présence auguste du bonheur.


                                                                Albert SAMAIN

 

 

 

 

 

 

Albert Samain, né à Lille le 3 avril 1858, mort à Magny-les-Hameaux le 18 août 1900, est un poète symboliste français.

 Son père étant décédé alors qu’il n’avait que 14 ans, il dut interrompre ses études pour gagner sa vie et devint employé de commerce

Au début des années 1890, fortement influencé par Baudelaire, il évolua vers une poésie plus élégiaque. En 1893, la publication du recueil « Au jardin de l’Infante » lui valut un succès immédiat. La perfection de la forme alliée à une veine mélancolique et recueillie caractérise un art d’une sensibilité extrême

Du point de vue des formes poétiques, un de ses apports majeurs fut l’invention d’un genre de sonnet à quinze vers.

Miné par la phtisie, il mourut après seulement quelques années de production littéraire.

 

 


Commentaires

 

1. Florentin  le 13-10-2017 à 17:13:15  (site)

Un poème qui conte superbement le bonheur. , celui qui est là, vrai, simple et tranquille.

 
 
 
posté le 06-10-2017 à 10:13:17

Incantation.

Bella Akhmadoulina (1937-2010) 

 

INCANTATION.

 

Ne me pleurez pas, je saurai vivre
en mendiante heureuse, en gentille bagnarde,
en méridionale glacée par le climat nordique,
en Pétersbourgeoise poitrinaire et méchante
dans la malaria du sud je vivrai.

 

Ne me pleurez pas, je saurai vivre
en cette boiteuse aux portes de l’église,
en cet ivrogne la tête contre la table,
en ce pauvre barbouilleur de madones,
en peintre malchanceux je vivrai.


Ne me pleurez pas, je saurai vivre
en cette fillette apprenant à lire
qui, dans un avenir brumeux,
sous ma frange rousse saura mes vers
par cœur comme une sotte. Je vivrai.

 

Ne me pleurez pas, je saurai vivre
en sœur plus charitable que de charité,
dans l'insouciance mortelle de la guerre,
sous la clarté de mon étoile,
quoi qu’il advienne, malgré tout je vivrai.

 

Bella Akhmadoulina (I960)

 

Bella Akhmadoulina est la poétesse lyrique russe signifiante de la seconde moitié du XX° siècle. Née en 1937 à Moscou d’un père Tatar, haut fonctionnaire d’Etat et d’une mère russe d’origine italienne, elle commence à écrire de la poésie alors qu’elle est encore collégienne. A l’âge de 15 ans, elle est remarquée par des critiques littéraires.

En 1959, agée de 22 ans, elle écrit le plus célèbre de ses poèmes « По улице моей – Po oulitsy moïei – Le long de ma rue ». la même année elle est exclue momentanément de l’université, car elle refuse de soutenir la campagne de diffamation contre le poète Boris Pasternak.

 Bella Akhmadoulina fut également actrice, scénariste ainsi que traductrice. Elle est décédée en novembre 2010 à Peredelkino, village d’écrivains près de Moscou.

 

 

 

 

 


Commentaires

 

1. Florentin  le 09-10-2017 à 11:33:54  (site)

Portraits de vie, de vie triste, celle des gens de peu ...

 
 
 
posté le 01-10-2017 à 08:32:05

Ah ! Laissez-moi crier.

 

 

En hommage à Sabine Sicaud, une poétesse morte à 15 ans.


 

Ah ! Laissez-moi crier.

 

« Ah! Laissez-moi crier, crier, crier …

Crier à m’arracher la gorge !

 Crier comme une bête qu’on égorge,

 Comme le fer martyrisé dans une forge

 Comme l’arbre mordu par les dents de la scie,

 Comme un carreau sous le ciseau du vitrier…

Grincer, hurler, râler. Peu me soucie

 Que les gens s’en effarent. J’ai besoin

 De crier jusqu’au bout de ce qu’on peut crier.

 

 Les gens? Vous ne savez donc pas comme ils sont loin

 Comme ils existent peu, lorsque vous supplicie

 Cette douleur qui vous fait seul au monde?

 Avec elle on est seul, seul dans sa geôle

 Répondre? Non. Je n’attends pas qu’on me réponde.

 Je ne sais même pas si j’appelle au secours

 Si même j’ai crié, crié comme une folle

 Comme un damné toute la nuit et tout le jour

 Cette chose inouïe, atroce, qui vous tue

 Croyez-vous qu’elle soit

 Une chose possible à quoi l’on s’habitue

 Cette douleur, mon Dieu, cette douleur qui tue

 Avec quel art cruel de supplice chinois

 Elle montait, montait à petits pas sournois

 Et nul ne la voyait monter, pas même toi

 Confiante santé, ma santé méconnue

 C’est vers toi que je crie, ah c’est vers toi, vers toi!

 Pourquoi, si tu m’entends n’être pas revenue?

 Pourquoi me laisser tant souffrir, dis-moi pourquoi

 Ou si c’est ta revanche et parce qu’autrefois

 Jamais, simple santé, je ne pensais à toi? »

 

                                                            Sabine Sicaud.

 

 

 

 

Sabine Sicaud, née le 23 février 1913 à Villeneuve-sur-Lot et morte le 12 juillet 1928 (à 15 ans) dans la même commune, est une poétesse française.

Dès l'âge de 6 ans Sabine griffonne des poèmes et parle aux arbres, aux plantes aux animaux qui l'entourent et dont elle paraît connaître l'âme.

Ses Poèmes d'enfant, préfacés par Anna de Noailles, ont été publiés lorsqu'elle avait treize ans. Après les chants émerveillés de l'enfance et de l'éveil au monde, est venue la souffrance, insupportable. Atteinte d'ostéomyélite, appelée aussi la gangrène des os, elle écrit Aux médecins qui viennent me voir :

Faites-moi donc mourir, comme on est foudroyé

D'un seul coup de couteau, d'un coup de poing

Ou d'un de ces poisons de fakir, vert et or... »


 

 

 

 

 

 

 

 

 


Commentaires

 

1. DmW  le 01-10-2017 à 13:04:09

Dommage, si elle avait terminé sa carrière ce serait extradordinaire mais tout ce que Dieu a fait est bon.

2. Florentin  le 01-10-2017 à 14:35:13  (site)

Comme on aurait aimé qu'elle ne l'écrive pas ce poème ! Comment une gamine de 15 ans peut-elle souffrir ainsi ? Je souscris à l'ironie de Dmw qui clame la bonté de Dieu ...Florenrin

 
 
 
posté le 26-09-2017 à 09:48:30

Le liseron.

Le liseron.

 

Aimez le Liseron, cette fleur qui s'attache

 Au gazon de la tombe, à l'agreste rocher ;

 Triste et modeste fleur qui dans l'ombre se cache

Et frissonne au toucher !

 

 Aimez son teint si pâle et son parfum d'amande ;

 Ce parfum, on le cherche, il ne vient pas à vous ;

 Mais, à l'humble corolle alors qu'on le demande,

On le sent pur et doux,

 

 Il ne pénètre pas les sens comme la rose,

 Il ne jette pas l'âme en de molles langueurs,

 Suave et virginal, de l'ivresse il repose,

Et rafraîchit les cœurs.

 

 De l'amour idéal, chaste et touchant emblème,

 Il vit et meurt caché sous le regard de Dieu,

 S'abreuve de rosée et de soleil, de même

 Que l'âme se nourrit de larmes et de feu.

 

 Comme l'amour encore qui, pudique, se voile,

 L'homme, sans le sentir, le foule sous ses pas,

 Ou parfois à la tige il arrache l'étoile

Et ne l'aspire pas !

 

 Plus d'un cœur fut ainsi brisé dans le silence,

 Étouffant un amour, mystère de pudeur,

 Désir inexprimé qui vers le ciel s'élance,

 Comme du Liseron la balsamique odeur !

 

                                          Louise Colet.

 

  

 

 

Née à : Aix-en-Provence , le 15/08/1810
Morte à : Paris , le 08/03/1876
Louise Colet, née Révoil de Servannes, est une poétesse française.
À son arrivée à Paris, Louise Colet commence à publier ses poèmes et obtient bientôt le prix de l’Académie française.
Ambitieuse, politiquement libérale, elle ouvre un salon où se retrouvent les acteurs du monde littéraire, dont certains deviendront ses amants (Victor Cousin, Alfred De Musset, Alfred de Vigny).
Elle publie poèmes, nouvelles, romans, et quelques ouvrages autobiographiques où elle raconte, à sa façon, sa longue et orageuse liaison avec Flaubert.
Entrecoupée de plusieurs ruptures, celle-ci dure de 1846 à 1855, période pendant laquelle Flaubert lui écrit des centaines de lettres magnifiques.
Louise Colet servit de muse en Égypte à Théophile Gautier et à Gustave Flaubert.
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Commentaires

 

1. jakin  le 26-09-2017 à 12:55:34  (site)

Compliments pour la photo du jour et pour ce beau texte d'une personnalité de ma ville d'Aix en Provence....Bonne fin de journée....

2. anaflore  le 26-09-2017 à 13:28:07  (site)

bravo pour la photo du jour
bel hommage au liseron

3. gegedu28  le 26-09-2017 à 14:47:25  (site)

Bonjour,
Je ne connaissais pas ce poème de Louise Colet, mais il est très intéressant, il aurait pu illustrer mon article du 2 août 2013 que j'avais intitulé : Le mal aimé du jardinier !.
http://gegedu28.vefblog.net/gege_du_28/cat2/5.html#Le_mal_aime_du_jardinier
A cette époque, j'avais décrit Monsieur Liseron avec une petite touche humoristique, ... que je vous laisse découvrir.

A lire également : Le Liseron bleu
http://gegedu28.vefblog.net/gege_du_28/26.html#Le_Liseron_Bleu

Au plaisir de vous relire.
Gégédu28

PS: smiley_id117184 pour Monsieur Liseron, il est à l'honneur sur VEF aujourd'hui !

4. lafianceedusoleil  le 26-09-2017 à 15:07:28  (site)

Hello,
toutes mes félicitions pour la photo du jour.

smiley_id117184smiley_id117175

5. papy_daniel  le 26-09-2017 à 17:14:53  (site)

Bravo pour la photo du jour et l'hommage à cette poètesse

papydaniel

6. Florentin  le 29-09-2017 à 17:04:35  (site)

Joli poème de quelqu'un qui savait magner la plume. Il est vrai la belle Louise a vécu dans l'aura d'autres beaux-porte-plume ! Le liseron peut-être fleur des amoureux, mais peste des jardiniers. Mais, chut, n'en parlons pas aux poètes ! Florentin

 
 
 
posté le 22-09-2017 à 21:25:48

Chanson d'automne.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Commentaires

 

1. mocasaki  le 24-09-2017 à 10:27:04  (site)

Bonjour à Vous,

Une simple coïncidence.... j'adore ce poème depuis longtemps et des poèmes sur l'automne, il est celui que je préfère .... A bientôt de vous lire.
Nine

2. mocasaki  le 25-09-2017 à 08:17:22  (site)

Bonjour à vous,
merci pour votre commentaire.... je vois que vous aimez la poésie et les poètes.
j'ai écris une poésie sur Rimbaud .. catégories " poésies" . dites moi ce que vous en pensez ..... Merci d'avance .
Bonne journéeNine

3. Florentin  le 25-09-2017 à 18:17:37  (site)

Tout le monde connait ce poème. pour d'autres raisons que la poésie, elle-même/ Mais, c'est une superbe poésie sur l'automne. Je l'ai moi-même publiée sur mon site. Bien amicalement. Florentin

 
 
 
posté le 17-09-2017 à 19:54:24

Arbres, montagnes, champs neigeux.

 

 

 

Arbres, montagnes, champs neigeux.

 

Arbres, montagnes, champs neigeux,

Je vous vois naître

 Dans un rayonnement laiteux

A ma fenêtre.

 Le jour passera somnolent

Sans autre fête

 Que l'averse des flocons blancs

Lente et muette,

 Et grave, je m'étonnerai

De quelque livre

 Où les jours tièdes et dorés

Aident à vivre.

 Tant mes regards s'habitueront

A voir descendre

 L'averse molle des flocons

En froide cendre.

 

                               Cécile Sauvage (1883-1927)

 

 

 

 

 

Cécile Sauvage, « poétesse de la maternité » née à La Roche-sur-Yon (1883-1927), est un écrivain français, épouse de Pierre Messiaen et mère d’Alain et d’Olivier Messiaen qu’elle éleva, selon ce dernier, dans un « univers féerique ». Elle vécut la majeure partie de sa vie à Saint-Étienne.

 

 


Commentaires

 

1. Florentin  le 21-09-2017 à 13:56:00  (site)

Poème pas encore de saison, mais très évocateur. Nous sommes aujourd'hui à la veille de l'automne. Derrière ma fenêtre, pas encore la neige, mais un ciel gris, presque sombre, qui n'incite pas non plus à la gaieté.

 
 
 
posté le 11-09-2017 à 10:23:38

L'école en automne.

 

 

 

Automne

Odeur des pluies de mon enfance

Derniers soleils de la saison !

A sept ans comme il faisait bon

Après d'ennuyeuses vacances,

Se retrouver dans sa maison !

La vieille classe de mon père,

Pleine de guêpes écrasées,

Sentait l'encre, le bois, la craie

Et ces merveilleuses poussières

Amassées par tout un été.

O temps charmant des brumes douces,

Des gibiers, des longs vols d'oiseaux,

Le vent souffle sous le préau,

Mais je tiens entre paume et pouce

Une rouge pomme à couteau.


                                   René-Guy Cadou.


 

 

 

René Guy Cadou est un poète français, né le 15 février 1920 à Sainte-Reine-de-Bretagne (Loire-Atlantique) et décédé le 20 mars 1951 à 31 ans à Louisfert (Loire-Atlantique).

Il est fils d’instituteurs laïques. Il grandit dans une ambiance de préaux d’écoles, de rentrées des classes, de beauté des automnes, de scènes de chasse et de vie paysanne qui deviendront plus tard une source majeure de son inspiration poétique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Commentaires

 

1. Florentin  le 13-09-2017 à 15:57:05  (site)

Nostalgie du temps passé. Un univers que je connais bien, c'était celui de mon enfance, ce fut aussi celui de mon premier travail. J'ai été maître d'école un moment Au temps des derniers instants de la plume Sergent Major et de l'encre violette. Aujourd'hui, c'est l'heure de l'ordinateur. Le temps a filé à la vitesse de l'éclair. Trop vite à mon goût. Florentin.

2. Alezandro  le 20-09-2017 à 21:51:43  (site)

Ah les beaux souvenirs d'école que voilà!

 
 
 
posté le 03-09-2017 à 18:36:57

Je suis du temps...

 

 

 

 

 

Maud Andrée Sodenkamp, née à Saint-Josse-ten-Noode le 18 juin 1906 et décédée à Walhain le 27 janvier 2004, est une poétesse belge de langue française. Elle exerça la profession d'inspectrice des bibliothèques publiques.

 

 


Commentaires

 

1. Florentin  le 04-09-2017 à 14:46:26  (site)

Bonjour, J'ai été ému par ce poème de Mme Sodenkamp. Je m'y suis reconnu adolescent. Je suis de la génération de ceux qui ont été troublés à la lecture du "Grand Meaulnes". Il m'arrive de publier de la poésie sur mon site. J'avais même un moment pris l'habitude d'en publier un tous les dimanche, sous une rubrique que j'avais intitulée "La poésie du dimanche". Si vous le permettez, je vais aujourd'ui y publier votre poème du jour. En faisant évidemment référence à votre blog. Je ne suis pas poète, incapble d'aligner plus de deux vers à la suite, mais j'aime. A plus. Florentin

 
 
 
 

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