Marie-Catherine Desjardins de Villedieu (1632-1683)
Jouissance
Aujourd'hui dans tes bras j'ai demeuré pâmée,
Aujourd'hui, cher Tirsis, ton amoureuse ardeur
Triomphe impunément de toute ma pudeur
Et je cède aux transports dont mon âme est charmée.
Ta flamme et ton respect m'ont enfin désarmée ;
Dans nos embrassements, je mets tout mon bonheur
Et je ne connais plus de vertu ni d'honneur
Puisque j'aime Tirsis et que j'en suis aimée.
O vous, faibles esprits, qui ne connaissez pas
Les plaisirs les plus doux que l'on goûte ici-bas,
Apprenez les transports dont mon âme est ravie !
Une douce langueur m'ôte le sentiment,
Je meurs entre les bras de mon fidèle Amant,
Et c'est dans cette mort que je trouve la vie.
Marie-Catherine Desjardins de Villedieu
Marie-Catherine Desjardins, sous le nom de plume de Mme De
Villedieu, s'engagea précocement dans la carrière littéraire et connut
très tôt le succès. Célèbre par ses aventures et galanteries, elle
composa poésies, fables, théâtre, romans, lettres, nouvelles historiques
et galantes.
Originale et audacieuse, en quête perpétuelle de formules innovantes,
elle témoigne d'une liberté de mœurs que son sexe avait connue avec les
grandes dames de la Fronde, et était en train de perdre sous
l'absolutisme naissant de Louis XIV.
Pour celle qui se pique d'écrire " fort tendrement ", la fiction est
un lieu d'expression de l'intime, celui d'une existence troublée par des amours
malheureuses : elle fut en effet veuve de deux amants qui vécurent avec elle
sans l'épouser, parce que mariés, le Capitaine de Villedieu et le
Marquis de Lachasse.
Voilà comment Mme Marie-Catherine Desjardins de Villedieu écrivait au XVII ème siècle.