Gustave Courbet (1819-1877): La fileuse endormie (1853)
Une seule femme endormie.
Par un temps humble et profond tu étais plus belle
Par une pluie désespérée tu étais plus chaude
Par un jour de désert tu me semblais plus humide
Quand les arbres sont dans l’aquarium du temps
Quand la mauvaise colère du monde est dans les cœurs
Quand le malheur est las de tonner sur les feuilles
Tu étais douce
Douce comme les dents de l’ivoire des morts
Et pure comme le caillot de sang
Qui sortait en riant des lèvres de ton âme.
Pierre Jean Jouve (1887-1976)
Pablo Picasso (1881-1973): Paloma endormie (1952).
Pierre Jean Jouve (1887-1976)
La lente et stricte création jouvienne vise à atteindre et à étreindre la mort au coeur même de la vie, en une inlassable "scène capitale" où la sueur du désir a saveur d'éternité sanglante. La poésie n'est qu'au prix de la mort. Pierre Jean Jouve (1887-1976)
Pierre Charles Jean Jouve a eu « plusieurs vies ». Avant 1914, il est un des écrivains de l'unanimisme, ce mouvement créé par Jules Romains, puis un membre actif du mouvement pacifiste animé par Romain Rolland pendant la Première Guerre mondiale.
À partir de 1921, une profonde rupture a lieu grâce à sa seconde épouse, la psychanalyste Blanche Reverchon, traductrice de Sigmund Freud (1923) et amie de Jacques Lacan. Elle fait de lui l'un des premiers écrivains à affronter la psychanalyse et à montrer l'importance de l'inconscient dans la création artistique — et cela dès le milieu des années 1920.
On peut citer parmi les œuvres de cette époque ses recueils de poèmes : Les Noces (1925-1931), Sueur de Sang (1933-1935), Matière céleste (1937), et ses romans : Le Monde désert (1927), Hécate (1928), Vagadu (1931), La Scène capitale (1935), et le plus connu Paulina 1880, paru en 1925.
Il a été aussi, dès 1938 et pendant son exil en Suisse, un important acteur de la résistance intellectuelle contre le nazisme, avec ses poèmes apocalyptiques de "Gloire" et de "La Vierge de Paris".
Cet écrivain a été perçu comme un marginal hautain, refusant les embrigadements des «mouvements».
Commentaires
J'ai lu, il y a un moment "Paulina 1880"? Je me souviens avoir été impressionné par l'atmosphère effectivement sombre de l'histoire, sombre jusqu'au noir. Ses poèmes sont sans doute de la même tonalité, comme celui-là. ..."les dents de l'ivoire des morts" ... le caillot de sang" ... Des images pour le moins pas gaies ! Florentin