Francis Hayman (1708-1776): " Le Moine lubrique"
Le Mot et la Chose.
Madame quel est votre mot
Et sur le mot et sur la chose
On vous a dit souvent le mot
On vous a fait souvent la chose
Ainsi de la chose et du mot
Vous pouvez dire quelque chose
Et je gagerais que le mot
Vous plaît beaucoup moins que la chose
Pour moi voici quel est mon mot
Et sur le mot et sur la chose
J'avouerai que j'aime le mot
J'avouerai que j'aime la chose
Mais c'est la chose avec le mot
Mais c'est le mot avec la chose
Autrement la chose et le mot
A mes yeux seraient peu de chose
Je crois même en faveur du mot
Pouvoir ajouter quelque chose
Une chose qui donne au mot
Tout l'avantage sur la chose
C'est qu'on peut dire encore le mot
Alors qu'on ne fait plus la chose
Et pour peu que vaille le mot
Mon Dieu c'est toujours quelque chose
De là je conclus que le mot
Doit être mis avant la chose
Qu'il ne faut ajouter au mot
Qu'autant que l'on peut quelque chose
Et que pour le jour où le mot
Viendra seul hélas sans la chose
Il faut se réserver le mot
Pour se consoler de la chose
Pour vous je crois qu'avec le mot
Vous voyez toujours autre chose
Vous dites si gaiement le mot
Vous méritez si bien la chose
Que pour vous la chose et le mot
Doivent être la même chose
Et vous n'avez pas dit le mot
Qu'on est déjà prêt à la chose
Mais quand je vous dis que le mot
Doit être mis avant la chose
Vous devez me croire à ce mot
Bien peu connaisseur en la chose
Et bien voici mon dernier mot
Et sur le mot et sur la chose
Madame passez-moi le mot
Et je vous passerai la chose.
Gabriel Charles abbé de Lattaignant (1697-1779)
Gabriel-Charles de Lattaignant (ou L'Attaignant) est un chansonnier et poète français, né vers 16971 à Paris où il est mort le 10 janvier 1779.
Pendant des siècles, les enfants de la noblesse avaient un chemin tout tracé. L’ainé héritait du titre et embrassait les armes; le second, quant à lui était destiné aux ordres ecclésiastiques. C’est ce qui arriva à Gabriel-Charles de Lattaignant. Durant plus de vingt ans, bien que décrit par ses contemporains comme laid, il fut connu pour ses vers libertins et ses nombreuses conquêtes féminines.
L’abbé de Lattaignant a chanté le vin, l’amitié et l’amour. Poète et auteur, mais par un double prodige, poète sans fiel, et auteur sans travail, jamais l’envie, la haine, l’animosité, la vengeance n’ont animé ses écrits ; et si ses vers sont le fruit de ses veilles, c’est qu’il veillait avec les Plaisirs. Si on lui doit la chanson enfantine « J’ai du bon tabac… », il était surtout connu pour ses poèmes chantant l’amour. Libertin mais instruit, il se plait à contourner les règles dues à son statut. Ainsi, il laissera nombre de poèmes employant des métalepses[1]. Ses poésies galantes sont en fait. Son poème galant le plus connu « Le mot et la chose » est une évocation de l’amour, mais sans jamais en prononcer le mot
[1] Figure rhétorique qui sert à « taire tout en disant »