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Titre du blog : rimes
Auteur : rimes
Date de création : 14-01-2017
 
posté le 02-02-2019 à 19:43:46

Le Mot et la Chose.

 

Francis Hayman (1708-1776): " Le Moine lubrique"  

Le Mot et la Chose.

 

Madame quel est votre mot

Et sur le mot et sur la chose

On vous a dit souvent le mot

On vous a fait souvent la chose

Ainsi de la chose et du mot

Vous pouvez dire quelque chose

Et je gagerais que le mot

Vous plaît beaucoup moins que la chose

Pour moi voici quel est mon mot

Et sur le mot et sur la chose

J'avouerai que j'aime le mot

J'avouerai que j'aime la chose

Mais c'est la chose avec le mot

Mais c'est le mot avec la chose

Autrement la chose et le mot

A mes yeux seraient peu de chose

Je crois même en faveur du mot

Pouvoir ajouter quelque chose

Une chose qui donne au mot

Tout l'avantage sur la chose

C'est qu'on peut dire encore le mot

Alors qu'on ne fait plus la chose

Et pour peu que vaille le mot

Mon Dieu c'est toujours quelque chose

De là je conclus que le mot

Doit être mis avant la chose

Qu'il ne faut ajouter au mot

Qu'autant que l'on peut quelque chose

Et que pour le jour où le mot

Viendra seul hélas sans la chose

Il faut se réserver le mot

Pour se consoler de la chose

Pour vous je crois qu'avec le mot

Vous voyez toujours autre chose

Vous dites si gaiement le mot

Vous méritez si bien la chose

Que pour vous la chose et le mot

Doivent être la même chose

Et vous n'avez pas dit le mot

Qu'on est déjà prêt à la chose

Mais quand je vous dis que le mot

Doit être mis avant la chose

Vous devez me croire à ce mot

Bien peu connaisseur en la chose

Et bien voici mon dernier mot

Et sur le mot et sur la chose

Madame passez-moi le mot

Et je vous passerai la chose.

 

             Gabriel Charles abbé de Lattaignant (1697-1779)

 

 

Gabriel-Charles de Lattaignant (ou L'Attaignant) est un chansonnier et poète français, né vers 16971 à Paris où il est mort le 10 janvier 1779.

Pendant des siècles, les enfants de la noblesse avaient un chemin tout tracé. L’ainé héritait du titre et embrassait les armes; le second, quant à lui était destiné aux ordres ecclésiastiques. C’est ce qui arriva à Gabriel-Charles de Lattaignant. Durant plus de vingt ans, bien que décrit par ses contemporains comme laid, il fut connu pour ses vers libertins et ses nombreuses conquêtes féminines.

L’abbé de Lattaignant a chanté le vin, l’amitié et l’amour. Poète et auteur, mais par un double prodige, poète sans fiel, et auteur sans travail, jamais l’envie, la haine, l’animosité, la vengeance n’ont animé ses écrits ; et si ses vers sont le fruit de ses veilles, c’est qu’il veillait avec les Plaisirs. Si on lui doit la chanson enfantine « J’ai du bon tabac… », il était surtout connu pour ses poèmes chantant l’amour. Libertin mais instruit, il se plait à contourner les règles dues à son statut. Ainsi, il laissera nombre de poèmes employant des métalepses[1]. Ses poésies galantes sont en fait. Son poème galant le plus connu « Le mot et la chose » est une évocation de l’amour, mais sans jamais en prononcer le mot

  

[1] Figure rhétorique qui sert à « taire tout en disant »