Je n’ai jamais travaillé dans le temps.
Je n’ai jamais travaillé dans le temps Je n’ai jamais créé pour le futur Ancré ma vie Jamais pour le futur je n’ai ancré ma vie Et seul le désespoir ou la mort ont suspendu ma vie A l’éternité d’un visage Et la mort aussi m’a poussé à faire ces pertes vaines et nécessaires Pour la connaissance des hommes J’étais enterré vivant Je n’ai rien à dire et je n’apporte rien Je n’apporte que mon visage Et cet espèce de ricanement qui ne me convient pas Et que je connais bien Cette espèce de douleur qui me pousse à sourire la grâce Cette espèce de bonheur qui m’interdit le vrai bonheur La liberté dans l’espace la liberté dans le temps Je n’avais rien à dire et je n’apporterai rien Que cette espèce de ricanement qui ne m’appartient pas.
Jacques PREVEL (1915 – 1951).
|
Jacques Marie PREVEL (1915 – 1951) est un poète français. Il est surtout connu pour avoir été l’un des derniers et fidèles amis du poète Antonin Artaud. Venu du Havre, il arrive à Paris durant l’occupation où il connaîtra l’isolement et la misère En 1946, le poète Antonin Artaud, alors interné durant près de neuf ans dans divers hôpitaux psychiatriques arrive à Paris. La rencontre avec ce dernier sera son illumination. À partir de ce jour va naître entre les deux hommes une amitié fondée sur le respect, la quête incessante de la poésie et de la drogue (Prevel fournissait Artaud en laudanum et en opium). Jacques Prevel tiendra jusqu’à la mort d’Artaud son journal aujourd’hui appelé « En compagnie d’Antonin Artaud » où il relate sa vie quotidienne avec le célèbre poète maudit. Épuisé par la tuberculose, Jacques Prevel s’éteindra en 1951, cinq ans jour pour jour après sa rencontre avec Artaud.
|