CHANTONS LE VIN.
Ô vin splendide et salutaire, Reine suave des boissons, Délicate fleur de la terre Fleuris toujours dans mes chansons.
Vin rieur qui rit dans les verres Avec tes bons yeux de velours Tu dérides les plus sévères Et tu dégourdis les plus lourds.
Ô vin plus frais que les grenades Et plus pimpant que le printemps Puissant réconfort des malades Et remède des biens portants ;
Frivole muse des poètes, Verve suprême des vieillards, Tu fais pépier dans leurs têtes De petits oiseaux babillards ;
Tu rends la femme moins farouche Vin de tendresse et de gaîté, Et tu mets au coin de sa bouche Une lueur de volupté.
Que de fois les soucis, les fièvres, Les chagrins, les penser mauvais Ont fui de moi comme des lièvres À l’instant que je te buvais.
N’est-ce pas toi, vin pitoyable Qui mets un rayon de soleil Dans le cerveau du pauvre diable Pour qui tout est nuit et sommeil.
Tu me plains et tu me consoles, Tu me persuades le bien, Tu me dis de bonnes paroles Tout bas comme un ange gardien.
Quand je te bois, vin admirable ! Tout me ravit, flatte mes yeux, Je trouve tout le monde aimable N’importe quoi délicieux.
Toutes choses me semblent claires, Vin véridique et triomphant ; Et tu dissipes mes colères Avec un sourire d’enfant.
La vie en moi se renouvelle La grâce entre par mon gosier ; Mon sang fait le beau, ma cervelle Devient souple comme l’osier.
Tous mes sens crient à ton passage, Je vibre du crâne au talon : Pour te savourer davantage Que n’ai-je un cou trois fois plus long.
Raoul Ponchon 1848-1937 ( La Muse gaillarde)
|
Raoul Ponchon, poète du bien-manger et du bien-boire a écrit 150 000 vers soit l’équivalent d’1,25 Victor Hugo. Le gros de sa production réside en ses Gazettes rimées, genre aujourd'hui disparu qui consiste à rédiger les nouvelles en vers. Ponchon y excelle en drôlerie. Il évolue avec aisance le long de l’axe Quartier Latin – Montmartre, sur des territoires où se croisent Alphonse Allais, Jean Richepin, Apollinaire ou Verlaine qui l’admirent.